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anthropomorphique et de l’architecture. C’est sur l’architecture au contraire que se pose la tonique du style roman et du style gothique. Et l’on sait comment, au soir du moyen âge, la peinture tend à l’emporter sur les autres arts, à les envahir et même à les dévier. Mais à l’intérieur d’un style homogène et fidèle à son primat technique, les divers arts ne sont pas asservis à une constante subordination. Ils cherchent leur accord avec celui qui les commande, ils y arrivent au cours d’expériences dont l’adaptation de la forme humaine au chiffre ornemental, par exemple, les variations de la peinture monumentale sous l’influence des vitraux ne sont pas les moins intéressantes ; puis chacun d’eux tend à vivre pour son propre compte et à se libérer, jusqu’au jour où il devient à son tour une dominante.

Cette loi, si féconde dans ses applications, n’est peut-être qu’un aspect d’une loi plus générale. Chaque style traverse plusieurs âges, plusieurs états. Il ne s’agit pas d’assimiler les âges des styles et les âges de l’homme, mais la vie des formes ne se fait pas au hasard, elle n’est pas un fond de décor bien adapté à l’histoire et sorti de ses nécessités, elles obéissent à des règles qui leur sont propres, qui sont en elles ou, si l’on veut, dans les régions de l’esprit qu’elles ont pour siège et pour centre, et il est permis de chercher comment ces grands ensembles, unis par un raisonnement serré, par des expériences bien liées, se comportent à travers ces changements que nous appelons leur vie. Les états qu’ils traversent successivement sont plus ou moins longs, plus ou moins intenses selon les styles — l’âge expérimental, l’âge classique, l’âge du raffinement, l’âge baroque. Ces distinctions ne sont peut-être pas absolument nouvelles, mais ce qui l’est davantage, comme Déonna l’a montré, avec une rare vigueur analytique, pour certaines périodes, c’est que, dans tous les milieux, à toutes les périodes de l’histoire, ces âges ou ces états présentent les mêmes caractères formels, si bien qu’il n’y a pas lieu d’être surpris de constater d’étroites cor-