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sont les entrelacs successifs d’une pensée formelle qui a le corps de l’homme pour élément et pour soutien et qui le fait servir au jeu des symétries, des contrapostes et des alternances. La métamorphose des figures n’altère pas les données de la vie, mais elle compose une vie nouvelle, non moins complexe que celles des monstres de la mythologie asiatique et des monstres romans. Mais tandis que ces derniers sont liés à la servitude de l’armature abstraite, à de monotones calculs, l’ornement humain, identique, intact dans son harmonie, tire inépuisablement de cette harmonie même des nécessités nouvelles. La forme peut devenir formule et canon, c’est-à-dire arrêt brusque, type exemplaire, mais elle est d’abord une vie mobile dans un monde changeant. Les métamorphoses, sans fin, recommencent. C’est le principe des styles qui tend à les coordonner et à les stabiliser.

Ce terme a deux sens bien différents, et même opposés. Le style est un absolu. Un style est une variable. Le mot style précédé de l’article défini désigne une qualité supérieure de l’œuvre d’art, celle qui lui permet d’échapper au temps, une sorte de valeur éternelle. Le style, conçu d’une manière absolue, est exemple et fixité, il est valable pour toujours, il se présente comme un sommet entre deux pentes, il définit la ligne des hauteurs. Par cette notion l’homme exprime son besoin de se reconnaître dans sa plus large intelligibilité, dans ce qu’il a de stable et d’universel, par delà les ondulations de l’histoire, par delà le local et le particulier. Un style, au contraire, c’est un développement, un ensemble cohérent de formes unies par une convenance réciproque, mais dont l’harmonie se cherche, se fait et se défait avec diversité. Il y a des moments, des flexions, des fléchissements dans les styles les mieux définis. C’est ce qu’a établi depuis longtemps l’étude des monuments de l’architecture. Les fondateurs de l’archéologie médiévale en France, et particulièrement M. de Caumont, nous ont appris que l’art gothique, par exemple, ne pouvait être considéré comme une