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Mais ces inédits, nous supportons mal qu’ils puissent conserver leur qualité étrangère. Toujours nous serons tentés de chercher à la forme un autre sens qu’elle-même et de confondre la notion de forme avec celle d’image, qui implique la représentation d’un objet, et surtout avec celle de signe. Le signe signifie, alors que la forme se signifie. Et du jour où le signe acquiert une valeur formelle éminente, cette dernière agit avec force sur la valeur du signe comme tel, elle peut le vider ou le dévier, le diriger vers une vie nouvelle. C’est que la forme est enveloppée d’un halo. Elle est stricte définition de l’espace, mais elle est suggestion d’autres formes. Elle se continue, elle se propage dans l’imaginaire, ou plutôt nous la considérons comme une sorte de fissure, par laquelle nous pouvons faire entrer dans un règne incertain, qui n’est ni l’étendu ni le pensé, une foule d’images qui aspirent à naître. Ainsi s’expliquent peut-être toutes les variations ornementales de l’alphabet et, plus particulièrement, le sens de la calligraphie dans les arts d’Extrême-Orient. Le signe, traité selon certaines règles, tracé au pinceau avec des déliés et des pleins, des brusqueries et des lenteurs, des fioritures et des abréviations qui constituent autant de manières, accueille une symbolique qui se superpose à la sémantique et qui est d’ailleurs capable de se durcir et de se fixer, au point de devenir une sémantique nouvelle. Le jeu de ces échanges, de ces superpositions de la forme et du signe nous donnerait, plus près de nous, un autre exemple, avec le traitement ornemental de l’alphabet arabe et avec l’usage que l’art chrétien d’Occident a pu faire des caractères coufiques.

Est-ce donc que la forme soit vide, qu’elle se présente comme un chiffre errant dans l’espace à la poursuite d’un nombre qui le fuit ? En aucune manière. Elle a un sens, mais qui est tout d’elle, une valeur personnelle et particulière qu’il ne faut pas confondre avec les attributs qu’on lui impose. Elle a une signification et elle reçoit des acceptions. Une masse architec-