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par les artistes du Gandhara, — la scène de l’illumination par exemple. Un médaillon de Bouddha-Gaya (Foucher, fig. 206) exprime à merveille le génie symbolique des vieux sculpteurs : on y voit un trône vide, un parasol d’honneur, l’arbre de la science, et rien de plus. C’est une sorte d’idéogramme, non une figuration plastique. Rien n’était d’ailleurs plus difficile à représenter que l’accession du Maître à la suprême sagesse ; il semble même à peu près impossible de qualifier par des moyens concrets le terme d’une évolution morale d’un sens philosophique et mystique aussi élevé. Les artistes gandhariens l’ont compris. Ils n’ont pas cherché à se mesurer avec les problèmes que présentait la projection dans l’espace d’une sorte d’énigme symbolique. Ils ont choisi l’un des épisodes qui précèdent immédiatement l’illumination et, de préférence à tout autre, l’attentat de Mara, la Tentation. Une crise d’âme, la nuit, dans la solitude, pour reprendre les termes dont se sert heureusement M. Foucher, voilà un thème inextricable pour un méditerranéen. C’était au contraire un thème plastiquement réalisable que la résistance de l’ascète héroïque à la luxure ou à la peur. Les stèles postérieures de Bénarès confirment pleinement le fait. « La figure du Prédestiné, assailli par les démons et tenté par les filles de Mara, y est devenue le substitut courant pour traduire de façon extérieure et concrète le miracle intérieur et abstrait qui ne doit pourtant se réaliser que douze heures au moins plus tard. En Magadha