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ces compositions et celles des imagiers occidentaux du moyen âge. Les uns et les autres cherchent avant tout à édifier les fidèles et racontent, avec une naïveté prolixe, avec un luxe inutile de détails, les « histoires » pieuses. L’artiste ne choisit pas l’épisode frappant, il ne concentre pas l’intérêt : pareil au xylographe populaire de chez nous, qui insérait jadis un enseignement moral élémentaire dans de petits tableaux très simples répartis sur la même feuille, il déroule, il développe son sujet, répétant autant de fois qu’il le faut son personnage et multipliant les compartiments. D’ailleurs ce système d’images obéit à un ordre et à une symétrie, les motifs ornementaux eux-mêmes ont un sens et doivent être « lus » conformément à la doctrine : peut-être sera-t-il permis quelque jour d’interpréter Sanchi comme M. Mâle nous a appris à interpréter les cathédrales.

Un fait capital et caractéristique dans l’histoire de cette école primitive, c’est que le Bouddha n’y est jamais représenté. Un trisula, une roue, — la roue de la Loi, — un parasol d’honneur, une empreinte de pas, c’est là tout ce que nous voyons du Bouddha, dans les scènes où sa présence même est attestée par une inscription. Ni Cunningham, dans sa publication de Bharhut, ni Grünwedel, dans sa lecture des balustrades de Sanchi, ni les archéologues qui se sont succédé à Bouddha-Gaya et à Amravati n’ont pu identifier, parmi les ascètes, une image indubitable de Bouddha, j’entends une image contemporaine des plus anciens