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prince noyé de voluptés et déjà dégoûté d’elles, le conteur évangéliste fait paraître, non les allégories d’une vague songerie éthique, mais, en traits fortement accentués, le spectacle de nos déchéances irrémédiables.

« Un jour que le Bodhisattva se rendait, sur son char, à un jardin de plaisance situé hors de la ville, il rencontra sur sa route un vieillard décrépit, sans dents, péniblement courbé sur un bâton, soutien insuffisant de ses pas tremblants. Surpris de cette apparition nouvelle pour lui (on avait pris soin d’éloigner de ses regards tout ce qui aurait pu l’attrister et éveiller en lui des idées de renoncement au monde), il interroge son cocher, lui demandant en punition de quel crime ce malheureux est réduit en si triste état. Ayant appris que la vieillesse était une conséquence fatale de l’existence et qu’il n’était pas en son pouvoir d’y échapper, le prince saisi d’angoisse et de tristesse renonce à sa promenade et se fait reconduire au palais. Une autre fois, c’est un malade qu’il trouve en chemin, puis un cadavre en décomposition, et, à chaque rencontre, son dégoût augmente pour une vie soumise à un si déplorable sort. Enfin, à une quatrième sortie, la vue d’un religieux mendiant respirant le calme et le contentement lui fait entrevoir dans la vie religieuse le remède aux misères de l’existence[1]. » Ce thème, qui offre à l’imagination et au cœur de si

  1. L. de Milloué, Le Bouddhisme, pp. 28-29.