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modelé les dieux récents. Mythes et icones sont monnaie d’échange. Il n’est pas de religion qui ait fait table rase et reconstruit de toutes pièces : l’Islam lui-même n’a pas commencé par abolir les images, et il n’a peut-être réussi à les abolir que chez les purs sémites. Quel dépôt de croyances séculaires, quel terme d’expériences lointaines que l’Hermès Criophore ! Le Christianisme l’adopte, fait de lui le Bon Pasteur, comme il fit des petits héros poliades les saints locaux des villages. Les bêtes de l’Asie, incarnant les évangélistes, écussonnent les tympans des basiliques romanes, les moulures provençales ont les mêmes profils que le vieil arc romain. Les reliefs bouddhiques du nord-ouest de l’Inde sont agencés par un sculpteur méditerranéen ; le Bouddha sommeillait dans des figurations symboliques : il se révèle à nous sous les traits d’un dieu grec ou d’un magistrat impérial. La Chine des Han, vouée à la magie, figure ses songes sous des formes empruntées tantôt à l’art totémiste du Pacifique, tantôt à l’inspiration mésopotamienne.

Ainsi l’histoire des arts religieux est pleine de rapports évidents ou cachés, de nuances et de contradictions apparentes, dont l’analyse ne nous éclaire pas seulement sur l’attitude de l’homme en face de l’absolu, mais sur les liens profonds qui unissent les diverses parties de la communauté humaine. Une métaphysique rudimentaire, qui avait besoin de représentations figurées et de charmes, jointe à l’instinct qui poussa le primitif à rendre concrètes à ses yeux les forces naturelles et les formules sociales, sous l’aspect symbolique ou naturaliste de