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agissantes et d’énergies concentrées. Depuis des siècles, la pensée bouddhique en connaît et en observe les tressaillements. Et quand elle s’applique à l’étude des formes organiques, le pinceau n’en trace pas de froides copies ou de pâles simulacres, mais des raccourcis d’une intensité presque obsédante. Même aux époques de grand classicisme, alors qu’un merveilleux équilibre règle les rapports de l’esprit et de la matière dans les arts, une flamme cachée circule, une force toute-puissante qui se contient, infiniment plus riche et plus active qu’un sous-entendu idéologique. Plus tard, elle éclate, elle se fait jour avec une sorte de fièvre. Je ne dirai pourtant pas qu’elle se déploie et qu’elle déborde. Rien de semblable en elle à l’opulence vénitienne, à la générosité flamande. Ce que nous appelons la vie chez Rubens ou chez Tintoret n’est peut-être qu’un abus de mots : on entend sans doute désigner par là une brillante profusion de dons, une pathétique largeur, de la richesse, de l’exubérance. Mais c’est de la vie que je parle, de la force secrète qui meut, qui anime et qui galvanise les êtres. Elle est sensible dans des repos, dans des nonchalances, dans des immobilités. Elle est présente, elle est inscrite avec autorité dans les nervures d’une graminée comme dans la musculature d’un athlète endormi. Elle ne dépend pas du moment ou de l’ambiance, elle n’est pas le contre-coup de la pensée humaine, mais, définie, locale, parfois comprimée, réduite à un rien perdu dans la lumière, à un remous