Page:Focillon - L’Art bouddhique.djvu/193

Cette page a été validée par deux contributeurs.

obstacle aux délicates évidences de la spiritualité. C’est par le style que l’un et l’autre valent. De là ces chaumières d’aspect pauvre, fruste et même grossier, mais dessinées avec un goût exquis par des maîtres. De là ces robes, d’apparence rude et terne, mais savamment coupées. Ainsi le Zénisme délivra le Japon des profusions et des luxuriances qui sont naturelles dans l’Inde et qui longtemps avaient séduit l’Asie continentale.

De la pauvreté il fit l’élégance, et l’élégance, il la cacha. Le goût des cachettes et des surprises qui nous déconcerte quelquefois dans l’art japonais a là son origine. Sur l’autel domestique, considérez cette vieille boîte de laque tout unie et qu’aucun ornement ne décore : ouverte, elle révèle le plus précieux travail, une incomparable floraison d’or, soigneusement dérobée à la brutalité d’une exhibition permanente. Dans ce mauvais fourreau repose une lame célèbre. De même on enveloppe d’une pièce de soie le cadeau qu’on fait, pour éviter de l’exhiber. On dissimule dans des sachets coulissés et dans des boîtes les poteries immémoriales. Nous serions tentés d’y voir une malice : c’est une charmante énigme bouddhique, un raffinement de plus.

Des vertus de cet ordre ne sauraient être éphémères. Une fois acquises, elles le sont pour toujours. Elles ne caractérisent pas une génération ou un siècle, mais le génie de toute une race. Une fois parvenue à ces hauteurs, elle s’y maintient. Elle peut s’enrichir de nou-