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pluie de printemps, une pluie que l’on n’aperçoit pas, mais que l’on devine, que l’on entend et qui baigne délicieusement toutes choses. Dans ces paysages où les arbres, les eaux, les reliefs du sol n’apparaissent qu’à titre accidentel et comme fortuit, — un mont, au loin, qui se perd dans l’infini du ciel et de l’atmosphère, un rocher suspendu au-dessus d’une cascade dont nous ne connaissons que la poussière étincelante et le bouillonnement d’en bas, — la nature n’est pas un répertoire d’échantillons inertes, mais une suggestion de vie universelle. Parfois l’accent est plus rude[1], la touche plus âpre, et l’audace de la synthèse exalte la puissance d’évocation (Pl. XXII). Effets pleinement d’accord avec le génie du Bouddhisme Zèn, sobriété de moyens conforme à l’ascétisme de la doctrine ; la polychromie est une dispersion : l’encre et l’eau suffisent.

Cet exemple emprunté à la technique de la peinture aide à comprendre de quels bienfaits l’art et la vie morale du Japon furent redevables au Zénisme. D’abord un besoin de pureté simple, je dirai presque d’économie, au sens le plus élevé du mot, que révèlent impérieusement à cette époque le costume, l’habitation, les objets familiers. Dans l’union de la matière et de l’esprit, de la matière et de la vie, c’est l’esprit, c’est la vie qui comptent. Qu’importe l’étoffe, qu’importe le bois, dans une maison, dans un vêtement ? Leur qualité rare et leur éclat mettraient

  1. Tous ces maîtres, comme les Kano, qui les continuèrent, ont eu plusieurs manières, notamment deux, le style carré et le style souple.