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leusement dans des proportions infimes. Il est admirable d’avoir compris que ces tout petits devaient être d’abord expressifs et gais. Ils ne nous inspirent jamais le malaise de l’art célinien qui cisèle Dieu le Père, dans sa gloire, sur un bouton de chape, la bataille des titans et des dieux sur un pommeau d’épée, les génies de la terre et des eaux autour d’une salière d’or. Bonhomie et sensibilité, voilà la note qui sied le mieux à ces charmants tours d’adresse. N’avoir que le mérite de réduire à l’extrême, c’est peu. Mais nous sommes ébahis de sentir toute la puissance de la vie comprimée dans l’exiguïté et dans la dureté de la matière ; en elle, l’âme des choses nous sourit, elle nous enrichit de quelques précieux accents. Du fond de ces replis du bois ou de l’ivoire, exacts et généreux à la fois, animés de la flamme la plus ardente et la plus subtile, elle nous exhorte, elle nous envoie un salut plein de cordialité.

L’humour bouddhique au Japon agit parfois par déclanchements brusques. Il se plaît aux effets de contraste et de surprise : il n’est jamais agressif, mais il saisit. Tandis que l’ironie de l’Occident aime les méandres et se laisse aller à graviter avec une lenteur savante autour de la vérité, il est plus que laconique, il se replie pour mieux concentrer sa force et pour en user d’un seul coup. Ainsi les haï-kaï, merveilles égales aux netsoukés, sont de miroitantes petites images de l’univers, leur rayon direct et puissant fait pénétrer sa fine lumière jusqu’au fond de nos cœurs.