Page:Focillon - L’Art bouddhique.djvu/189

Cette page a été validée par deux contributeurs.

à des raccourcis d’une audace et d’une puissance exceptionnelles, est apte, non seulement à saisir le côté comique des apparences, non seulement à dire beaucoup en peu de mots, mais encore à trouver les précieuses formules qui condensent le plus élégamment sa surprise, sa joie, sa compréhension intime, et surtout sa sympathie. Voilà le terme qu’il faut : l’humour japonais n’est pas une attitude, purement sociale, de la spiritualité indulgente, il est une sympathie qui s’étend à tout.

Les vrais continuateurs de l’art de Toba Sojo sont les artistes Tokougawa, j’entends les maîtres de l’école vulgaire. Nous verrons tout ce qu’ils ont su mettre dans leurs admirables estampes. Dès à présent, je demande que l’on considère avec réflexion quelques-uns des beaux netsoukés du xviie et du XVIIIe siècle, qui, dans le creux de la main, font tenir tant de passion, tant d’ardeur et tant d’esprit. Cessons de les considérer comme l’œuvre du dieu de la myopie, tâchons de comprendre leur vrai sens. Et d’abord n’ont-ils pas le mérite de nous apprendre à ne pas dédaigner ce qui est petit, est-ce qu’ils ne nous font pas des yeux plus intelligents et plus savants, un cœur mieux préparé à sentir et à aimer ? De loin, ils ont l’air de quelque joli caillou, d’un fragment de racine curieusement compliquée. Ils semblent avoir germé dans quelque cachette, par une mystérieuse fantaisie de la nature. De près, ils sont la vie même, une vie de malice et de bonté, enclose tout à coup et miracu-