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C’est au cours de la même période que Toba Sojo fit intervenir dans le vieil art japonais une note inattendue et nouvelle, — l’accent comique. Rien de plus éloigné des raffinements de Tosa, des puissantes austérités de Takouma. Et pourtant ceci est profondément japonais, en plein accord avec le génie bouddhique. Pour distraire, dit-on, la mélancolie impériale, Toba Sojo inventa de peindre des bêtes comme il eut peint des hommes, avec les mêmes attitudes et dans les mêmes occupations. Un trait lui suffit pour dégager l’humour de son sujet : il n’aurait que faire des délicates recherches de tons des Tosa. Art laïque, mais conçu par un prêtre, comédie symbolique inspirée par le pur Bouddhisme et qui montre avec une sorte de pitié amusée la farce des agitations humaines, le grotesque et le terrible des réincarnations bestiales. Cette satire sacerdotale est, d’ailleurs, exempte de véhémence ou d’aigreur. Elle a quelque chose d’enfantin, de vif et de tendre. C’est que l’humour baigne la vie de ce grand peuple. Il est une expression élevée de sa sensibilité, et non pas, comme ailleurs, une passade de férocité froide, un ton de dédain supérieur. Il ne condescend pas. Il n’est pas non plus une rencontre brillante et légère, l’étincelle d’un feu de paille. Il est constant et profond. Il découle de la conception du monde. Une race qui nie l’inertie de la matière et qui la voit partout animée d’un génie galvanique, une race qui, pour en traduire avec fidélité les frémissements les plus ténus et les mieux cachés, se limite