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Les divinités brahmaniques, à peine déguisées sous des noms japonais, de nouveau fourmillent. Les prêtres peintres et les prêtres sculpteurs multiplient leurs images, bien différentes des graves divinités de la période Nara. L’exubérante sève du génie de l’Inde décuple la personnalité des dieux. La Kwannon du To-gan-zi, en Omi, a onze têtes. Un grand sentiment concret et une rare vigueur caractérisent l’art de cette période, mais, d’inspiration et d’exécution, il est encore le vassal et le tributaire des formules de l’Asie continentale.

Comment le Japon put-il prendre conscience de lui-même, commencer à élaborer un art national ? Trois faits nous aident à nous l’expliquer, — la rupture avec la Chine, le succès de la secte Djôdo, l’influence de la femme. Le premier est extraordinaire et prouve quelle haute conscience de son avenir historique animait cette nation d’élite. On peut voir ainsi, dans la suite des âges, le Japon s’ouvrir et se fermer alternativement à la pénétration étrangère chaque fois que l’exige son salut moral. Sa position insulaire lui permettait ces sortes de mesures, la clairvoyance exceptionnelle de ses chefs les lui dicta. Au début de l’ère Foudziwara (xe-XIIIe siècle), les communications officielles avec la Chine furent rompues. C’était le temps où chancelait la puissance des Thang et, avec elle, cette force d’expansion qui avait propagé au loin les modèles des arts et des institutions. Dès lors et pour longtemps, le Japon se replie sur lui-même et cherche dans ses tra-