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luer autour de la stabilité japonaise toutes les oscillations de la pensée asiatique, les esthéticiens japonais modernes disent vrai. Mais la culture japonaise reste infiniment souple ; elle épouse la diversité des temps, des lieux et des apparences ; il y a même en elle de l’accidentel, de l’éparpillement ; bien plus, dans beaucoup de ses manifestations, un don de facilité, une négligence heureuse qui donne le change. M. Aston, dans sa belle Histoire de la littérature japonaise, la juge plus élégante et plus pittoresque que profonde. À première vue, et si nous nous limitions à la période Tokougawa, nous serions tentés de le croire. Mais à toute époque le génie des penseurs et des artistes du Japon produit des œuvres où l’on discerne ces vertus éternelles qui font les grandes civilisations et les monuments durables, ces qualités maîtresses, ces traits dominateurs, en apparence contradictoires, mais heureusement associés, qui, même dans des notes populaires, dans de fugitifs accents, nous donnent la sensation d’une « réussite » humaine absolue.

L’histoire de la pensée bouddhique rythme l’histoire de l’art japonais. D’abord soumis à des influences continentales, il ne devint personnel et national qu’assez tard. Les premières vagues de propagande apportaient avec elles des leçons toutes faites auxquelles on ne changea rien. Du milieu du VIe siècle jusqu’au xe, c’est-à-dire pendant les périodes Asouka, Nara, Heï-an, l’art insulaire n’est qu’un aspect du grand art sino-coréen de l’époque Thang. On a vu plus haut quels chefs-