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À côté des peintres, les potiers confient à la terre et à l’émail la suggestion des splendeurs cachées. Cette évolution parallèle de la peinture de paysage et de la céramique dans la Chine Song se reproduira plus tard au Japon (avec Ken-zan, frère de Kô-rin), puis en Europe à la fin du xixe siècle. Le même courant de naturalisme éperdu et d’amoureuse observation, la même tendance à cacher un sens profond dans une forme concise, simplifiée, rapide et comme accidentelle, à capter dans le réseau de quelques traits le rythme de la vie et ses vibrations les plus lointaines aboutissent dans les deux arts à des résultats qu’il n’est pas sans intérêt de rapprocher.

La céramique chinoise devait évoluer avec le génie chinois et, partant de formes simples et raffinées, aboutir peu à peu à un luxe complexe, à une surcharge parfois fatigante, à d’éblouissants effets de polychromie. Dans la céramique Song, la qualité de la matière, la poésie du feu, la magie d’un ton rare[1] et le charme de la sensibilité importent avant tout. Porcelaine ou poterie, c’est parfois une évocation des puissances secrètes de la nature plus directe et plus saisissante

  1. « … des blancs variés, des gris de teintes bleuâtres ou pourprées, des verts, depuis le céladon vert-de-mer pâle jusqu’à l’olive foncé, des bruns, depuis le chamois clair jusqu’aux teintes profondes se rapprochant du noir, du rouge éclatant et du pourpre sombre…, le pourpre pâle, souvent éclaboussé de rouge, les verts gazon ou éclatants de la porcelaine de Long-ts’inan…, le yue-po ou « clair de lune », un gris bleu pâle, et le pourpre sombre ou « aubergine » (k’ie-tseu) de la manufacture de Kiun-tcheou. » S. W. Bushell, L’art chinois, trad. fr., p. 204.