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la capitale dans le sud, sur les bords du Fleuve Bleu, leur art, leurs pensées ne devaient pas changer, bien au contraire. Ils se retrouvaient dans la vraie patrie de leur sensibilité, au milieu des sites qui avaient inspiré les premiers poètes taoïstes et les premiers peintres de paysage. Dans les pavillons de marbre, entourés de jardins et d’eaux courantes, s’épanouit alors une civilisation délicieuse. Dégagés de tout ce qu’il y a d’inhumain dans l’esprit de secte, courtois, fraternels, libéraux, les philosophes Song essaient de renouveler, de rajeunir le Confucianisme, devenu sec, violent et dur dans la Chine du nord, en lui infusant quelque chose de l’essence spirituelle des deux autres grands courants religieux. Ma Yuen[1], en Japonais Ba En, peint pour la première fois côte à côte Çakya-Mouni, Confucius et Lao-tseu. Ce qu’il y a de fragile dans ces tentatives conciliatrices, élaborées avec bonne foi par une grande civilisation à la veille de son déclin, serre le cœur. Cette fleur d’humanité va être foulée, mais, avant de mourir, elle donne tout son parfum. Le paysage prend un accent et une vigueur extraordinaires. D’une tache, le pinceau des maîtres fait surgir toute une poésie de vérité, saisie au vol par l’impressionnisme le plus délicatement décisif.

  1. Un des fondateurs de l’école des Ma, dont l’influence a été considérable en Chine et au Japon. Une peinture de cette école, exposée au Musée Cernuschi en 1912, portait une exquise poésie bouddhique exprimant avec profondeur le sentiment de tristesse qui, malgré le renoncement du sage, peut s’épanouir dans son âme en présence de la nature. V. Ars Asiatica, I, pp. 30 sqq.