Page:Focillon - L’Art bouddhique.djvu/151

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Cette esthétique, si sensible et si libre, eut une influence décisive dans l’histoire de l’art extrême-oriental. Elle est probablement l’expression la plus complète du génie Song. Elle permet de comprendre, non seulement l’art du paysage, mais toute la peinture bouddhique de ce temps. C’est nourri de pareilles pensées que Li Long-myen, en japonais Ri Ryou-min peignit les sennins des montagnes, ces humains surnaturels, en constante communion avec l’âme des choses, sur lesquelles ils exercent un magique pouvoir, les prêtres Tchhan, et surtout les chevaux sauvages, enivrés de leur liberté. C’est cette philosophie et cette esthétique qui dominent, qui inspirent le règne du grand et malheureux empereur Hwei tsong[1], en japonais Ki sô, poète, collectionneur et peintre lui-même (1101-1128).

Quand, après avoir imprudemment appelé les Tartares pour étouffer, avec le concours de ces rudes soldats, la révolte des Liang, les Song durent leur abandonner, comme prix de leurs services, tout le nord de l’empire et furent contraints de transporter

  1. Ce prince fonda l’Académie de peinture et de calligraphie qui, plus tard, sous les Ming, devait exercer une influence néfaste sur la liberté de développement de l’art chinois. Comme peintre, il était célèbre par ses aigles et ses faucons (Pl. XVIII). Ses œuvres, — l’une d’elles a été exposée en 1912 au Musée Cernuschi, — ne sont pas exemptes de sécheresse. Ce délicat voyait plus « joli » que large et vivant. Les maîtres contemporains ou immédiatement antérieurs, par exemple Tswei Pô, qui fit intervenir dans la manière du sud quelque chose de la franchise et de la fermeté du nord, ont en général plus d’accent et plus de légèreté. V. Ars Asiatica, I, pp. 19 sqq.