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nous est permis, d’un trait, d’un mot, de suggérer l’infinité. Laisse aller ta bête, ô conducteur de buffles, joue de la flûte en l’inspirant du bruit des sources et du vent dans les feuilles, et l’harmonie de l’univers sera en toi (thème favori des prédicateurs et des peintres Tchhan).

J’ai montré ce que la doctrine Tchhan, d’accord avec le génie propre de la Chine méridionale et la philosophie de Lao-tseu, avait, au cours de l’époque précédente, ajouté, dans le domaine de la peinture, au lyrisme naturaliste des grands poètes chinois. À vrai dire, c’est là, et surtout dans la magnifique expansion du Zénisme Song, que se réalise l’union des deux grandes forces spirituelles de l’Asie, l’idée de la renonciation totale et l’idée de la vie galvanique de l’univers, le Bouddha de l’éternel repos et le Dragon de l’éternel changement. Quand l’esprit est capable de concentrer et de répercuter toute la fantasmagorie du monde, il atteint à la parfaite liberté. La vraie formule du Nirvana n’est pas l’anéantissement, c’est la libération. S’identifier aux choses naturelles, s’assimiler leurs vertus les plus secrètes, — par là, la peinture n’est pas une fantaisie sentimentale, mais une sorte d’entraînement ascétique.

Alors les hommes peignent les fleurs, les oiseaux, les arbres, les nuages et les cascades. L’un d’eux, Kuo-chi, formula leur esthétique. On verra plus tard à quelle large philosophie de la nature elle a conduit la pensée bouddhique au Japon, sous les Asikaga. Dès