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cachées, les progrès de la pensée indépendante, exalter les puissances de la civilisation, c’est attenter à la sûreté publique. La vérité est dans les formules des ancêtres : elles sont éprouvées par les siècles. Encore aujourd’hui, les historiens confucianistes rendent les Song responsables de la révolte et de l’invasion mongole : c’étaient des esthètes incapables, de criminels dilettantes. Mais le programme historique de cette dynastie malheureuse a une largeur qui ne peut nous laisser indifférents. Plonger la Chine, à l’abri de ses murailles, dans le sommeil de la décadence, les Song ne l’ont pas voulu. Ils ont imaginé, ils ont créé. Ils ont tenté de renouveler une atmosphère morale déjà lourde et inerte. Ils ont rêvé de faire circuler la vie dans un organisme en voie de dessèchement.

Leurs philosophes sont des modernistes. Tout ce qui est vieux doit être dépassé ou détruit. Les livres, les formules sont chose morte. La vie seule a du prix. La pédagogie Tchhan n’admet pas l’autorité du professeur. La liberté de l’esprit est la condition même de l’existence. Se réaliser comme individu, tel est le but. Dans un portrait, la tête, l’expression du regard sont l’essentiel, et non telle parure ou telle broderie, parce que l’individualité réside dans les yeux et dans les traits de la physionomie. La nature est belle, et nous l’aimons, parce qu’elle est une leçon de vie. Nous pouvons la comprendre directement par l’étude et par la contemplation, sans nous embarrasser de thèmes didactiques. À condition d’être libres et vivants, il