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mysticisme et la renaissance ultérieure de l’idéalisme scandent, en quelque sorte, toute l’histoire de la peinture.

Les paysagistes Thang du sud furent à la fois des poètes et des peintres, et leur double mérite nous aide à saisir les liens qui unissent l’art d’écrire et l’art de peindre, dans un pays où l’écriture idéographique est déjà une suggestion pour les yeux, dans une région où Khyu Yuen et Thao Yuen ont déjà peint les paysages avec des mots. Tandis que les grands artistes du nord, Li Tchao-tao et son père Li Seu-lwen par exemple, se distinguent par la richesse et par la solidité du ton, les maîtres méridionaux, à la suite de leur initiateur Wang Weï, peignent avec subtilité une nature qui se dégrade, qui s’évapore dans d’infinies perspectives d’atmosphère. Ces beaux artistes Thang du sud furent eux aussi, à l’occasion, des coloristes, mais avant tout des manieurs d’encre. Ils connaissent toutes les ressources graphiques du blanc et du noir, la qualité de l’émotion pénétrante et mesurée qui se dégage de cette gamme à deux notes. Ils exercent le pinceau à ces audaces synthétiques dont les maîtres japonais du xve siècle sauront faire plus tard, après eux, de si délicates vertus. Ainsi les paysagistes Tchhan mettent en lumière un trait essentiel de la peinture bouddhique, — son exquis raffinement sobre. Avec des éléments qui paraîtraient pauvres à des occidentaux classiques, ils sont des virtuoses, — mais entendons bien que chaque accent de cette virtuosité est un écho des pro-