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une antithèse du Bouddha. La vie compte, et il n’y a même que la vie qui compte. Non une vie de choix, confinée dans les plus rares élégances de l’esprit, isolée sur les hauteurs de la spéculation métaphysique, mais la vie de tous les jours, avec ses chagrins et ses joies, avec ses vertus moyennes et ses devoirs, notre vie sur cette terre, et non ailleurs, dans ses rapports avec le prochain, avec la communauté tout entière. Les dieux sont loin, l’existence est courte, tâchons d’en faire quelque chose de solide et de sain, d’harmonieux surtout. L’homme est à lui-même son propre but, non dans un isolement égoïste et sauvage, non « l’unique », mais l’homme social, membre d’une famille, respectueux des ancêtres, dont le culte lui incombe comme un devoir primordial. Malgré l’abîme qui sépare la sagesse chinoise de la pensée indienne, une vertu leur est commune à toutes deux, une pitié tendre. La pitié bouddhique vient de plus haut, elle prend sa source dans la doctrine de la réincarnation et dans son respect pour toute créature vivante. La pitié de Confucius, sans fondement métaphysique, est peut-être plus active, plus gaie : il y entre surtout de l’indulgence et du bon sens.

Si l’on réfléchit qu’un souci social est à l’origine de la philosophie chinoise, on comprendra sans peine que la musique devait être, comme propagatrice de concorde et d’harmonie, l’art confucéen entre tous. Sans doute les lettrés confucianistes estimaient la peinture, car elle permet de propager de beaux exemples et, par