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existence s’est concentré dans une sagesse pratique, pleine de noblesse et de bonhomie. Le charme supérieur de la vie chinoise, c’est cette solidité séculaire que lui ont faite les anciens sages. Dans cette matière morale si pleine, le Bouddhisme était appelé à faire courir des nuances, des palpitations particulièrement belles.

La Chine est un vaste milieu d’échange incessant et d’assimilation. Du Tartare nomade, son rôle est de faire un agriculteur sédentaire. Elle fixe, elle absorbe l’errant des steppes, elle l’arrache à la vie mouvante des hautes herbes, elle l’incorpore à son communisme rustique. Mais il lui transmet les souvenirs ineffaçables de la vie pastorale (qui persistent dans le système politique), sa science des astres, ce trait des peuples pasteurs. Okakura, qui résume tous ces caractères avec une rare force d’évocation historique, insiste aussi sur la grande idée de fraternité universelle qui est au fond du génie chinois, « héritage inaliénable de toutes les nations pastorales qui errent entre le Danube et l’Amour[1]. »

Sous la dynastie des Tcheou (1122-221 avant Jésus-Christ), l’éthique qui convenait à une civilisation de cet ordre et qui déjà régissait sans doute, mais obscurément, les rapports internes de ce vaste système communautaire, fut dégagée, clarifiée et formulée pour tous par Confucius (551-479). Il n’est pas besoin de choisir les traits et d’accentuer le relief pour faire du sage chinois

  1. Op. cit., p. 48.