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Permettez-moi de vous dire, monsieur, que j’ai immédiatement refusé d’être l’un de ces prisonniers libérés ; autrement, je ne vous écrirais pas : vieux Breton, j’ai toutes les faiblesses, sauf celle de la peur, je me trouve heureux de pouvoir me dire avec Saint-Paul : Vinctus Christi, et il y a un autre titre qui serait bien plus beau encore à mes yeux : Martyr Christi.

Mais il s’agit de vies infinement plus précieuses que la mienne ; il s’agit peut-être aussi d’épargner à Paris un crime et une honte ; je ne crois pas à des mesures sanglantes de la part de la Commune, mais le jour où l’assaut sera livré, au moment où l’armée entrerait, n’y a-t-il pas à craindre qu’une foule affolée et furieuse ne se rappelle les scènes du 2 septembre ?

Si vous voulez bien, monsieur, prendre cette affaire en considération, je vous prierais de me faire dire quelle serait la marche à suivre. Je ne veux y paraître en rien, et je me bornerais à indiquer, à celui qui est venu me trouver, après avoir vu plusieurs fois l’archevêque, la personne que vous désigneriez. Évidemment, il faudrait que l’affaire allât jusqu’à M. Thiers ; j’ai pensé que votre haute influence pourrait mieux que toute autre venir en aide aux prisonniers à libérer.

J’ai pensé aussi qu’il vous serait agréable que cette lettre ne vous fût pas envoyée directement par la poste, et voilà pourquoi je l’adresse à M. de Foucaud, député de la Bretagne, et l’un de mes anciens amis.

J’espère n’avoir pas été indiscret ; bien certainement je n’aurais pas consenti à m’occuper de cette affaire si j’avais cru qu’elle pût le moins du monde blesser la susceptibilité la plus délicate de l’homme, mais je n’y ai vu que l’occasion de faire une bonne œuvre, et j’ai cédé par conséquent à la pensée de m’adresser à vous : ce sera mon excuse.

Agréez, je vous prie, monsieur, l’hommage de mon profond respect.

Mazas, le 9 mai 1871.
Signé : J. Bazin.

Le 10 mai, j’allais de bonne heure à Mazas pour arrêter avec l’archevêque et le curé de la Madeleine, le jour de mon départ pour Versailles.

M. Darboy était souriant : il croyait à la réussite :