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le Bon fils 213

FIRMIN,haut. — M. Giraut est amoureux!...

AGATHE, à voix basse. — Paix donc! quel train tu fais! tu vas réveiller ta mère. M. Giraut est amoureux de moi, et il est venu ce matin me demander à mon père. Il lui a conté je ne sais pas quoi : qu’il était déjà bien riche, qu’il le serait bientôt davantage, parce qu’aujourd’hui même ma marraine renouvelle ses baux, et que la ferme est excellente; enfin, il a fait le détail de tous ses journaux de terre, de tous ses quartiers de vigne, pour prouver que je serais heureuse avec lui. Mon père, qui est bon et brusque, comme tu sais, lui a répondu que c’était à moi à régler tous ces comptes-là; il m’a appelée, et m’a dit : « Tiens, ma fille, voici encore un épouseur : tu m’as déjà parlé de Firmin ; vois celui des deux qui te plaît davan tage; ce sera celui que je choisirai. »

FIRMIN, à voix basse. . — Ah ! l’honnête homme que ce M. Thibaut! Oh! je me doutais bien que M. Giraut ne lui conviendrait pas; il a une trop mauvaise réputation.

AGATHE, à voix basse. — J’ai répondu à mon père que, par politesse pour M. Giraut, je ne m’expliquais pas tout de suite; mais qu’avant ce soir il aurait ma réponse. Mon père a dit que c’était bon, e j’ai vite couru t’apprendre ces bonnes nouvelles.

FIRMIN, à voix basse. — Combien je te remercie, mon Agathe, ma chère Agathe! Nous serons donc mariés! tu seras donc à moi! et pour toujours encore! Ah! si avec cela ma pauvre mère peut se bien porter, si elle peut vieillir entre nous deux, je ne désirerai plus rien dans le monde que de voir une petite Agathe qui ait le cœur et le visage de celle qui est à moi.

AGATHE, à voix basse. — Mon ami, si tu venais dire un petit bonjour à mon père avant qu’il sache que c’est toi que j’ai choisi?

FIRMIN, à voix basse. — Je le veux bien ; mais... c’est que... Il est vrai qu’elle n’a pas besoin de moi quand elle dort...; et puis je serai de retour avant qu’elle soit éveillée.

AGATHE, à voix basse., — Oui, oui, viens toujours. (A Marcelle.) Bonjour, ma mère! je suis fâchée de m’en aller sans vous embrasser.

FIRMIN, à voix basse. — Baise-lui tout doucement la main, et viens vite. {Agathe baise la main de Marcelle, et Firmin aussi. Ils s’en vont avec précaution.)

MARCELLE, seule. — Ces pauvres enfants! que de plaisir j’aurais perdu, si je n’avais pas. fait semblant de dormir! Quand mon mari vivait et qu’il me faisait la Cour, il y a bien longtemps de cela, je croyais que rien au monde ne pouvait valoir le bonheur d’être aimée d’un mari tendre et bon : je me trompais; un fils vaut mieux encore. L’amour maternel n’est mêlé d’aucun de ces petits tourments qui troublent pouvent l’autre amour. Point de jalousie, point de défiance. On n’a pas même besoin d’être chérie autant qu’on chérit : on aime son fils, cela suffit; et quand on en est aimée comme je le suis, c’est un sur-