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moins un bon père que cette habitude continuelle de sollicitude et de tendresse.

Le rôle d’Arlequin dans la Bonne mère est bien moins considérable que ceux dont je viens de parler. J’ai craint qu’il n’attirât trop l’attention, qui doit se porter sur la bonne mère.

J’ai été un peu gêné dans les détails de tendresse que j’ai donnés à cette bonne mère, parce que j’avais déjà fait le bon père, et que la ressemblance des deux caractères en devait mettre nécessairement dans l’expression de leurs sentiments. Aussi ai-je bien senti que Mathurine n’a pas, dans ses scènes avec Licette, autant d’amour, de douceur, d’épanchements tendres, que le bon père avec Nisida. Cette imperfection est peut-être rachetée par la belle action de Mathurine, de sorte qu’elle ne fait qu’agir, et le bon père ne fait que parler. Chacun des deux ouvrages a son défaut, que l’on verra bien sans que je le dise ; mais j’aime mieax le dire le premier.

Dans le Bon fils, il n’y a point d’Arlequin ; parce que la situation du bon fils, obligé de choisir entre sa mère et sa maitresse, forcé de sacrifier l’une à l’autre, semble exclure de son rôle toute espèce de comique. Non-seulement il ne faut pas que le bon fils rie, mais il ne faut pas qu’il fasse rire un moment. L’intérêt est, ce me semble, trop vif, trop important, pour admettre le moindre comique. Dès lors il est nécessaire de bannir toute idée d’Arlequin, qui, dans quelque situation qu’on le place, doit toujours au moins faire sourire.

J’avoue que le grand défaut du Son fils est ce manque de comique : j’ai tâché d’y suppléer par le rôle de Thibaut. J’avoue encore que je me suis consolé d’avoir fait, sans Arlequin, une comédie en trois actes, où j’ai présenté un modèle de la première vertu que l’on met en usage dans le monde. J’y ai trouvé le plaisir de rassurer quelques personnes, qui, me voyant toujours faire des pièces avec un Arlequin, craignaient (par amitié pour moi) que je ne pusse jamais faire autre chose. Un intérêt si tendre méritait bien que je prisse la peine de leur offrir une comédie sans Arlequin. J’aurais eu d’autant plus mauvaise grâce à me refuser à cette complaisance, que le Bon fils est de tous mes ouvrages celui qui m’a le moins coûté.

Afin de compléter ce petit cours de morale, j’ai voulu faire une pièce pour des enfants. J’ai pris mon sujet dans M. Gessner ; et le nom de cet aimable auteur m’a rendu ce sujet plus cher que si je l’avais inventé. J’ai eu grand soin de faire imprimer à la tête de ma pastorale la charmante idylle qui me l’a fournie. J’ai été fier de mêler dans mes ouvrages un ouvrage du chantre d’Abel. Il m’a semblé que cette idylle porterait bonheur à mon recueil, et qu’une simple fleur du jardin de M. Gessner suffirait pour parfumer tout mon bouquet.

J’ai encore un autre espoir. Je me suis flatté que dans ces familles bien unies, que j’ai toujours en vue lorsque je travaille, les enfants de la maison joueraient Mgrtilet Chloé à la fête de leur mère, à la convalescence de leur père. Cette idée m’a réjoui, parce que j’aime les enfants et les fêtes de famille. Je suis sûr d’avance que le jeu de ces aimables acteurs, la circonstance, l’émotion d’un cœur paternel, effaceront tous les défauts de mon petit ouvrage ; et la certitude qu’il fera couler des larmes a suffi pour m’attacher à cette bagatelle, qui ne vaut pas la peine d’être examinée.

La ressemblance parfaite de deux Arlequins m’avait toujours semblé un joli sujet de comédie. L’ancienne pièce des Deux Arlequins, de le Noble, m’encourageait à la faire ; mais les Ménechmes m’effrayaient.