Page:Florian - Oeuvres.djvu/215

Cette page n’a pas encore été corrigée

toute française : les Deux Billets. Elle réussit, quoiqu’elle ne fût pas jouée par le célèbre Carlin, acteur à jamais recommandable par ses grâces, par son naturel, et à qui peut-être il n’a manqué que de la mémoire pour être le premier des acteurs comiques.

D’après ce succès qui m’encouragea, d’après une chute qui m’éclaira [1], je voulus donner à mes comédies un hut de morale et d’utilité. Cette idée n’avait rieri de neuf, car toutes les bonnes comédies sont ou doivent être morales. Mais, avec le personnage que j’avais choisi, je ne pouvais pas développer de grands sujets, ni prétendre à corriger les hommes en attaquant de grands vices : j’essayai du moins de les exciter à la vertu, en leur rappelant combien elle donne de vrais plaisirs. Je voulus surtout présenter le tableau de ces vertus familières, de ces vertus de tous les jours, les plus utiles peut— être, les plus nécessaires au bonheur : car ce ne sont pas, ce me semble, les grands préceptes de la morale et de la philosophie que l’on trouve à mettre en pratique le plus souvent. On est rarement dans le cas de sacrifier à son devoir, à la patrie, à l’honneur, à son repos, sa fortune et sa vie ; mais on est obligé à tous les instants d’être un bon fils, un bon époux, un bon père.

Voilà les modèles que je résolus de tracer. J’avais déjà peint le désintéressement du véritable amour ; je tentai de peindre le bonheur de deux époux bien unis, et de prouver qu’il ne faut jamais soupçonner un cœur que l’on connait vertueux. Je voulus ensuite esquisser le tableau d’un père qui adore sa fille, et qui voit sa tendresse récompensée par une confiance entière ; celui d’une mère sage qui se sacrifie elle— même pour rendre sa fille au bonheur ; enfin celui d’un fils vertueux et sensible qui immole sa passion à sa mère.

Tels sont les sujets des Deux billets, du Bon ménage, du Bon père, de la Bonne mère, et du Bon fils. Les trois premières pièces forment, pour ainsi dire, le roman de mon Arlequin mis en action dans les trois états de la vie les plus intéressants : ceux d’amant, d’époux et de père. En lui conservant toujours son caractère original, je l’ai fait parler différemment dans ces trois comédies, parce que ses affections et son âge sont différents.

Dans les Deux billets, Arlequin est très-jeune et amoureux. Il a plus d’esprit que dans les deux autres pièces, par la

  1. Arlequin roi, dame et valet, tombé le 5 novembre 1779, et jeté au feu le 6 du même mois.