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RICHE OU AIMÉE ?

que l’autre de complexion sentimentale. Ils s’entendaient fort bien, ayant des goûts semblables, et n’ayant jamais été, ni l’un ni l’autre, au fond leur être moral, qui était plus dissemblable ; la tentation ne leur était pas venue de le faire, tout occupés qu’ils étaient par la superficie de la vie. Ils passaient, au demeurant, pour un bon ménage ; Jeanne de Vauteur était une honnête femme, et le comte René un gentleman accompli, absolument correct. Bien des gens les enviaient, car tout semblait leur sourire : ils avaient deux enfants, souhait de roi, garçon et fille. La fille était l’aînée, elle rappelait son père en mieux, et, à dix-huit ans, serait jolie sans doute, le fils était un Vauteur, le portrait de son aïeul maternel. Son père le trouvait distingué et s’en enorgueillissait ; à cela près, il ne s’en occupait pas plus que de sa fille, et la comtesse l’imitait. Ils avaient confié leurs enfants à un précepteur et à une institutrice, se déchargeant sur eux du soin de leur éducation, à laquelle leur vie mondaine ne leur permettait pas de participer. Le garçon était au collège maintenant, mais le précepteur revenait pour les vacances ; quant à la fillette, son institutrice la menait aux cours lorsqu’on était à Paris, et se proposait d’en faire une lauréate de l’Hôtel de Ville, ce qui est très bien porté, trouvait encore M. d’Azas, quand on a deux ou trois cent mille francs de rente. En attendant, c’était une petite personne parfaitement insupportable, à laquelle, malgré ses treize ans, il ne restait plus trace de la simplicité de son âge, et qui, orgueilleuse à l’excès, faisait, pour toutes choses, preuve d’un dédain dont son inexpérience lui cachait le ridicule et la sottise, que ne semblaient pas voir non plus ses parents ni son institutrice.

Descendue de voiture derrière sa mère, c’est à peine si elle avait embrassé sa charmante grand’mère, et lorsque, au salon, la comtesse lui enjoignit d’aller souhaiter le bonjour à sa tante de Lacourcelle, on put voir se peindre sur ses traits, à l’enfantine mobilité, une sorte de pitié méprisante, qui prouvait clairement ses sentiments