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d’une liberté politique dont ils étaient bien loin encore de sentir le besoin, ni d’une indépendance commerciale dont les masses étaient trop pauvres pour pouvoir jouir. On a mis en jeu contre les Espagnols la haine qu’alimentaient les préférences dont ceux-ci étaient l’objet.

Les yeux fixés sur les prodiges que la liberté a fait éclore dans l’Amérique du nord, on s’étonne de voir celle du sud rester si longtemps en proie aux convulsions politiques, aux guerres civiles, et l’on ne fait pas assez d’attention à la diversité des climats, aux différences morales des deux peuples. Dans l’Amérique du sud, les besoins sont restreints et faciles à satisfaire. Les richesses sont encore très inégalement réparties et la mendicité, compagne inséparable du catholicisme espagnol, y est presqu’un métier. Il existait au Pérou, avant l’indépendance, d’immenses fortunes faites dans les emplois publics, dans le commerce et spécialement le commerce interlope, et, enfin, par l’exploitation des mines ; un très petit nombre de ces fortunes avait, pour origine, la culture des terres ; la masse de la population était couverte de haillons et n’a pas amélioré son sort depuis ; tandis que, dans l’Amérique anglaise, les mœurs et