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à porter des fardeaux, et je ne vois pas pourquoi l’or et l’argent seraient, par exception, transportés exclusivement par des hommes, quand le fer, le cuivre, le plomb, métaux beaucoup plus utiles, sont chargés sur des bêtes de somme.

— Voisin, je vois que vous vous exécutez de bonne grace, ce qui est facile, lorsque, comme vous, on possède un tombeau[1] ; mais les malheureux, tels que don Pio de Tristan, Juan de Goyenèche, Ugarte, Gamio et autres ne peuvent, vous le sentez, se résigner aussi aisément.

— Oui, Carmen, vous avez raison, je possède un tombeau ; car la vraie sagesse est plus inépuisable que le tombeau du plus riche des anciens Incas.

— La sagesse, voisin, la sagesse est chose précieuse, j’en conviens ; mais je vous assure que j’aurais beau être sage comme un de ces sages grecs ou romains dont je n’ai jamais su les noms, que tout cela ne me mettrait pas une once dans la poche.

— Vous le croyez, ma fille, et voilà précisément votre erreur.

  1. On dit, des gens qui ont une fortune dont on ne connaît pas l’origine, qu’ils possèdent un tombeau, parce que les anciens Péruviens étaient ensevelis avec leurs trésors, et que, lors de la conquête, ils cachèrent leurs richesses dans les tombeaux.