Page:Flora Tristan - Peregrinations d une paria, 1838, II.djvu/62

Cette page a été validée par deux contributeurs.
58

a toujours, au contraire, oublié les siens, afin qu’on lui en fasse la charité   ; c’est un maravédis d’économisé.

— Tenez, señor don Ugarte, voilà un beau cigare de la Havane de contrebande   ; il coûte deux sous.

— Merci, señora, vous me faites là un véritable cadeau   ; c’est pour moi une réelle jouissance de fumer un bon cigare, mais vous sentez que je ne puis y mettre ce prix.

— Hélas ! señor, avec le quart d’un de ces sacs, il y aurait de quoi acheter des cigares de la Havane gros comme les tours de Santo-Domingo   ; mais, après de pareilles spoliations, vous voilà privé pour toute votre vie de bons cigares.

— Eh ! ce qu’il y a de plus horrible, dona Carmen, c’est de voir l’injustice avec laquelle on me traite   ; m’imposer à 10,000 piastres ! moi, pauvre homme qui n’ai pas un habit à mettre. Mes ennemis me disent riche ; moi riche ! Sainte Vierge ! parce que j’ai deux ou trois petites propriétés, qui me coûtent plus qu’elles ne me rapportent ; il est notoire que, depuis six ans, je n’ai pas reçu une piastre de mes fermiers. Le peu d’argent comptant que j’avais, je l’ai prêté à des gens qui ne me le rendent pas ;