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pas allée jusqu’à la farouche, la féroce, la terrible dona Pencha ! Mais il me semble, chère Florita, que, si le croquemitaine des Aréquipéniens vous paraissait mériter de figurer dans votre journal, la grande croquemitaine du Pérou pouvait bien aussi y trouver place ?

Tout en parlant ainsi, elle me conduisit à l’extrémité de la dunette, m’y fit asseoir auprès d’elle, et congédia de la main les importuns qui auraient eu envie de nous y suivre. Prisonnière, dona Pencha était encore présidente ; la spontanéité de son geste manifestait la conscience qu’elle avait de sa supériorité. Pas une personne ne resta sur la dunette, quoique, la tente y étant dressée, ce fût le seul endroit où l’on pût être garanti d’un soleil brûlant : tout le monde se tint en bas, ou sur le pont. Elle m’examinait avec une grande attention, et je la regardais avec non moins d’intérêt : tout en elle annonçait une femme hors ligne, et aussi extraordinaire par la puissance de sa volonté que par la haute portée de son intelligence. Elle pouvait avoir 34 ou 36 ans, était de taille moyenne et fortement constituée, quoiqu’elle fût très maigre. Sa figure, d’après les règles avec lesquelles on prétend mesurer la beauté, certes n’était pas belle ;