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— Mademoiselle, c’est ainsi que le hasard ballotte les hommes qui jouent un rôle dans un pays en proie aux guerres civiles, ou sans conscience politique on ne se bat que pour un chef. Ah ! depuis votre départ, j’ai bien souvent pensé à vous ; vous aviez raison et je commence à le croire, je pourrais faire quelque chose de mieux que de rester en Amérique ; peut-être même, sans ces derniers événements d’Aréquipa, serais-je retourné en Europe avec vous sur ce navire. J’y ai songé plus d’une fois, mais c’est encore un de ces projets que la fatalité de ma destinée a fait évanouir ; me voilà cloué ici à jamais ; la pauvre présidente est chassée de partout, sa cause est perdue sans ressources, son lâche et imbécille mari est allé chercher refuge auprès de Santa-Cruz, et très certainement il va achever de perdre le peu de chances qu’il peut avoir. Je ne puis abandonner cette femme : aidé par la protection de votre oncle, mon dévouement est parvenu à la soustraire aux vengeances populaires. Nous avons fui d’Aréquipa de nuit, comme des brigands ; c’est aussi de nuit que nous l’avons fait embarquer, tant nous redoutions pour sa vie la haine homicide qui la poursuit. Santa-Cruz ne voulant pas la recevoir dans ses États,