La vie que les baigneurs mènent dans ce lieu de réunion reflète d’une manière exacte les mœurs liméniennes : le far niente, le plaisir et l’intrigue y composent leur existence ; les femmes y vivent de même que les hommes, leurs habitudes, leurs goûts sont semblables, et s’y montrent avec autant d’indépendance. Elles montent à cheval pour aller se promener dans les alentours ; se baignent avec les hommes ; fument du matin au soir ; jouent un jeu d’enragé (ma tante Manuella y perdit dix mille piastres dans une nuit) ; conduisent de front quatre ou cinq intrigues amoureuses, politiques et autres ; vont aux festins, aux bals rustiques qui se donnent chez tout le monde ; et cependant elles passent une grande partie du jour étendues dans un hamac, entourées de cinq ou six adorateurs. Les parties de Chorrillos ruinent les plus riches familles de Lima ; les sacrifices qu’elles font pour y aller séjourner un mois ou deux sont incalculables. Ces extravagances sont plus communes à Lima que nulle autre part ; le climat y contribue sans doute, mais l’absence des beaux-arts, de toute instruction pour occuper la belle imagination dont ce peuple est doué, fait qu’il