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Denuelle montait à ma chambre, et sa conversation intarissable était aussi instructive que divertissante.

Je déjeûnais et dinais avec les pensionnaires ; la maison réunissait une très bonne société : des officiers des marines anglaise, américaine ou française, des négociants et des gens du pays. Pendant tout le temps que durait le repas, je m’amusais beaucoup : comme j’ai l’ouïe très fine, la malicieuse madame Denuelle, à côté de laquelle j’étais placée, me disait à voix basse les choses les plus drôles, les plus risibles sur toutes les personnes présentes, et cela, tout en faisant, avec grace, les honneurs de sa table, sans que sa figure trahît en rien les paroles qu’elle me soufflait. Après le dîner, elle me racontait des histoires ou copiait les individus, et réussissait toujours à me faire rire jusqu’aux larmes. Ce qui m’avait gagné ses bonnes grâces, c’est que je savais l’écouter ; je n’y avais pas grand mérite, puisque je me plaisais à l’entendre ; mais quel trésor pour une actrice, après dix années d’exil, de rencontrer une personne que son jeu amuse, que ses récits intéressent. Cependant j’avais peu de temps à donner à