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plusieurs fois sa mésaventure ; l’impression en avait été si cruelle, le souvenir s’en était gravé si profondément dans sa mémoire, qu’assaillie, au cap Horn, par une violente tempête, lorsque tous à bord, en proie au désespoir, voyaient la mort dans chaque vague, elle dit au capitaine : « Oh ! ce n’est pas d’aujourd’hui que je connais la tempête ; vous êtes là comme j’étais sur mes planches… »

Cet événement tua l’avenir de madame Denuelle ; il lui fut impossible de reparaître à l’Opéra ; et, après avoir été engagée au premier théâtre lyrique du monde, son amour-propre d’artiste la porta à refuser tous les engagements qui lui furent proposés pour les théâtres de Lyon, Bordeaux, Marseille ; elle préféra s’expatrier. Elle fut longtemps à la Cour de Louis Bonaparte, en Hollande, et en Westphalie, avec Jérôme. À la chute de l’empereur, elle se trouva sans emploi, joua sur les théâtres de Dublin et de Londres. Depuis 1815 jusqu’en 1825, sa vie ne présenta plus qu’un tissu d’événements, dont plusieurs lui furent funestes… Elle perdit entièrement sa voix et devint trop grosse pour pouvoir paraître sur le théâtre. Sur ces entrefaites, elle s’était mariée avec M. Denuelle,