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ment du départ, il me faisait ainsi assez clairement entendre qu’il ne me donnait cet argent que sous la condition de sortir du pays. Il n’y avait pas de navires en partance, et je savais, par M. Smith, qu’il n’y en aurait pas avant deux mois. Un séjour de cette durée à l’hôtel était une dépense de 120 piastres, et, de plus, je me voyais obligée de faire quelques petits frais de toilette ; je reconnus donc qu’il me fallait au moins 200 piastres pour faire face à tous ces besoins. Je puis dire avoir éprouvé tous les malheurs, hormis un seul, celui d’avoir des dettes ; la crainte d’en faire a toujours dominé ma conduite ; comptant soigneusement avec moi-même, avant de dépenser, je n’ai jamais dû un sou à personne. Quand je fis ce calcul de 200 piastres, et n’en trouvai que 20 dans ma bourse, je fus, je l’avoue, très effrayée. Ma garde-robe était, je l’ai déjà dit, plus que mesquine ; je me mis toutefois à l’examiner, et, la plume à la main, j’évaluai pièce à pièce ce que je pourrais tirer de tous ces chiffons, si je faisais une vente au moment de mon départ ; je vis que le produit en irait grandement à 200 piastres. Lorsque j’acquis cette certitude, ho ! je fus heureuse, mais bien heureuse !