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de les agréer. J’étais arrivée à connaître assez du cœur humain pour comprendre que je ne devais pas aller loger chez une femme, si j’encourais le risque de devenir l’objet de ses jaloux soupçons, et si je tenais à ne pas provoquer sa haine, ce que, certes, je voulais éviter. En quittant la maison de mon oncle Pio, je m’étais bien promis de n’accepter l’hospitalité d’aucun parent. J’en parlai un jour à Carmen, qui me dit : « Vous ferez bien, Florita, il vaut mieux manger du pain chez soi que du gâteau chez des parents. » Je rassurai donc madame Denuelle, fis mon prix avec elle, à raison de deux piastres par jour, et, quand ma tante revint à onze heures, pour m’emmener, disait-elle, je lui fis sentir que nous nous gênerions mutuellement ; en conséquence, il fut convenu qu’on me laisserait à l’hôtel. Je crus voir que ma discrétion faisait grand plaisir.

Cependant ma position pécuniaire aurait dû m’inspirer de l’inquiétude, j’étais partie d’Aréquipa avec quelques centaines de francs ; mon oncle m’avait bien remis une lettre de crédit de 400 piastres, mais, uniquement destinée à payer mon passage ; il avait stipulé que je n’en pourrais toucher le montant qu’au mo-