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récompensait mon assiduité en me donnant des maîtres soit de musique, soit de danse ; il considérait ces talents comme propres seulement à se faire bien venir des dames. Pendant mes congés, il m’envoyait voyager en Angleterre, en Allemagne, afin de m’instruire dans les mœurs, la politique, l’industrie et l’organisation militaire de ces pays. Il voulait que je prisse des notes sur tout ce que je voyais, et j’étais obligé de lui donner une relation de mes voyages, rédigée avec autant de soins et d’exactitude que si elle eût été destinée à l’impression. Ce travail m’était souvent pénible, j’aurais préféré m’amuser ; mais j’aimais mon frère avec cette déférence qu’un fils a pour son père. La grande différence d’âge qui existait entre nous, son caractère sérieux, sévère, m’inspiraient un respect parfois mêlé de crainte. Je conçois, Florita que, lorsqu’un jeune homme a un tel frère pour mentor, il fasse de rapides progrès ; mais l’envoyer consigné à un négociant qui le place dans un collège comme il met un ballot dans son magasin, porte en compte aux parents quinze ou vingt pour cent pour sa commission, et ne s’en inquiète plus ; je vous le répète, c’est un mode détestable, et c’est cependant le seul que