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non, c’est impossible…, car le mien excède les forces humaines !

Elle me tenait étroitement embrassée, et je sentais son cœur battre comme s’il allait se rompre : cependant elle ne pleurait pas.

Il se fit un très long silence : nous sentions, l’une et l’autre, que nous étions dans une de ces situations où il suffit d’une seule parole pour soulever une foule de pensées pénibles. À la fin, Dominga se détacha de mes bras avec un mouvement brusque et me dit, d’un son de voix terrible : — Plus malheureuse que moi !… Ah ! Florita, vous blasphémez ! Vous, malheureuse, quand vous êtes accueillie partout et libre de partir et d’aller où bon vous semble ! vous, malheureuse, quand vous pouvez aimer l’homme qui vous plaît et l’épouser !… Non, non, Florita, moi seule ai le droit de me plaindre ! Si l’on m’aperçoit dans les rues, on me montre au doigt, et les malédictions m’accompagnent !… Si je vais pour participer à la joie commune d’une réunion, on me repousse en me disant : « Ce n’est pas ici que doit se trouver une épouse du Seigneur ; rentrez dans votre cloître, retournez à Santa-Rosa… » Lorsque je me présente