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En achevant ces mots, elle tordit ses mains avec désespoir, et ses grands yeux à l’expression sombre s’élevèrent vers le ciel comme pour reprocher à Dieu la cruelle destinée qu’il lui avait faite…

— Comment, Dominga, vous libre, vous si belle, si gracieusement parée, vous êtes plus malheureuse que lorsque vous étiez prisonnière dans ce lugubre monastère, ensevelie dans votre voile de religieuse ? J’avoue que je ne vous comprends pas.

La jeune fille pencha sa tête altière en arrière, et, me regardant avec un sourire sardonique, me dit   : — Moi, libre… ; et dans quel pays avez-vous vu qu’une faible créature, sur laquelle pèse tout le poids d’un atroce préjugé, fût libre ? Ici, Florita, dans ce salon, vêtue de cette jolie robe de soie rose, Dominga est toujours la monja de Santa-Rosa !… A force de courage et de constance, je suis parvenue à échapper de mon tombeau ; mais le voile de laine que j’avais épousé est toujours là sur ma tête, il me sépare à jamais du monde ; vainement ai-je fui le cloître, les cris du peuple m’y repoussent…

Dominga se leva comme pour respirer ; il