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Je me rendis, le soir, à la maison qu’habitait Dominga ; je la trouvai occupée à apprendre le français. On fait un crime à Dominga du goût qu’elle affiche pour la toilette et le luxe, comme si, après s’être enfuie du cloître, elle dût en continuer les absurdes austérités dans le monde. Sa mère, la seňora Gutierriez, la repoussa avec dureté ; son frère et une de ses tantes, très riches l’un et l’autre, sont les deux seules personnes de sa famille qui prirent parti pour elle.

Ils lui meublèrent une maison, lui donnèrent des esclaves, et de l’argent pour vivre et s’acheter un trousseau. L’amour du luxe et de la toilette est un sentiment naturel ; il peut être imprudent chez ceux qui n’ont pas les moyens de s’y livrer, mais ne saurait raisonnablement encourir le blâme public. Je conçois que ces jouissances puissent paraitre puériles aux personnes préoccupées par de hautes et graves pensées ; mais, quoique très simple dans mes goûts, je ne puis trouver en moi un motif qui rende excusables les reproches haineux dont la monja était l’objet à cet égard ; il me paraissait tout naturel que la pauvre recluse se dédommageât de ses onze années de captivité, des tourments et des