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des malheurs d’un pays que je m’étais habituée à considérer comme le mien ; le désir de contribuer au bien avait constamment été la passion de mon ame, et une carrière active, aventureuse toujours dans mes goûts. Je crus voir que, si j’inspirais de l’amour à Escudero, je prendrais sur lui une grande influence. Je fus alors tourmentée de nouveau par l’agitation fébrile de mon esprit ; mes combats intérieurs se renouvelèrent ; l’idée de m’associer avec cet homme spirituel, audacieux et insouciant souriait à mon imagination ; en courant avec lui les chances de la fortune, que m’importe, me disais-je, de ne pas réussir, puisque je n’ai rien à perdre ? La voix du devoir eût peut-être été impuissante pour me faire résister à cette tentation, la plus forte que j’aie éprouvée de ma vie, si une autre considération n’était venue à mon secours. Je redoutai cette dépravation morale, que la jouissance du pouvoir fait généralement subir. Je craignis de devenir dure, despote, criminelle même à l’égal de ceux qui en étaient en possession. Je tremblai de participer à la puissance dans un pays où vivait mon oncle… : mon oncle que j’avais tendrement aimé et que j’aimais encore, mais qui m’avait fait tant de mal !!!… Je ne voulus