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nous y fûmes accompagnées des deux moines : quel spectacle dégoûtant présentait cette église ! Frère Diego avait raison ; ce pêle-mêle d’hommes, de femmes, d’enfants, de chiens même, cet encombrement de lits, de cuisines, de pots de chambre et ce nuage de fumée, tout cela était vraiment scandaleux ! On chantait la messe dans un coin, on mangeait, et fumait dans un autre. J’allai voir mon oncle et ma tante qui étaient établis dans la cellule du prieur, avec sept ou huit autres personnes. Je ne pus jamais décider mon oncle à revenir chez lui ; il était toujours retenu par l’appréhension du pillage. Ne me sentant aucune crainte, je retournai seule à la maison et me mis à écrire les trois journées qui venaient de s’écouler. Le soir, mon oncle persista à rester au couvent ; je passai la nuit dans la maison sans personne autre que ma samba. Cette fille me disait : « Mademoiselle, ne craignez rien, si les soldats ou les ravanas viennent pour piller, je suis Indienne comme eux, leur langue est la mienne ; je leur dirai : Ma maîtresse n’est pas Espagnole, elle est Française, ne lui faites point de mal. Je suis bien sûre qu’alors ils ne vous en feraient pas ; car ils ne frappent que leurs ennemis. » Ainsi s’ex-