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grand’messe. La population fut ravie de joie lorsqu’elle apprit cette nouvelle ; mais cette joie fut, hélas ! de bien courte durée. À cinq heures, un aide de camp vint, de la part d’Althaus, nous annoncer que les négociations étaient rompues entre les deux chefs, et que lui-même viendrait, le soir, nous raconter toute l’affaire. Informé de ce résultat, le peuple, dont l’indignation était comprimée par la crainte, tomba dans une sorte de stupeur : il resta comme pétrifié.

Nous étions réunis dans le cabinet de mon oncle, nous ne savions, après tant de nouvelles contradictoires, la tournure qu’allaient prendre les affaires, et attendions Althaus avec une vive anxiété, quand le malheureux général vint à passer, suivi du moine et de quelques autres. Je m’avançai à la fenêtre, et lui dis : Général, auriez-vous la bonté de nous apprendre si décidément la bataille aura lieu ? — Oui, mademoiselle, demain au point du jour, ceci est positif. Frappée du son de sa voix, j’en eus pitié ; pendant qu’il parlait à mon oncle, je l’examinai avec attention : tout en lui décelait une douleur morale portée au plus haut degré ; son être entier en était affecté ; ses yeux hagards, les veines de son front tendues comme des cor-