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Par quelle impulsion divine, me demandais-je, tous ces êtres, qui vivent entre eux dans une lutte perpétuelle ; qui, hier encore, offraient l’image du chaos, composent-ils maintenant un harmonieux ensemble ? Quelle puissance surhumaine les a fait tous, au même instant, quitter leurs demeures, laisser le tumulte de leur ville, où règnent maintenant le silence et l’immobilité ? Comment ont-ils pu un moment oublier le tien et le mien, confondre leurs pensées dans une pensée commune ? Ainsi qu’à bord d’un vaisseau où toutes les haines s’apaisent, toutes les querelles cessent quand la tempête s’élève, l’union ne peut-elle exister sur la terre, parmi les hommes, que par l’imminence du danger qu’ils courent ? Comment n’ont-ils pas encore senti que les sociétés ne peuvent arriver au bonheur que comme elles évitent le danger, par l’union, et que l’isolement est aussi funeste à l’individu qu’à la société dont il fait partie.

Je tournais le dos au camp : captivée par mes réflexions, j’oubliais le combat et les combattants. Un bruit long et sourd, qui s’échappa de ces dômes comme d’un tombeau, me tira de ma rêverie. Toute cette masse animée du