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mettre un mot écrit au crayon, par lequel il me disait qu’il considérait la bataille comme perdue.

Vers deux heures, me sentant très fatiguée, je me retirai chez moi ; comme, dans ces circonstances, je tenais à tout voir, je priai ma tante de me faire réveiller dès que le jour commencerait à poindre.

A quatre heures du matin, j’étais sur le haut de la maison ; j’admirais, au lever du soleil, le magnifique spectacle qu’offraient les dômes des nombreuses églises et couvents que renferme cette ville. Tous ces êtres humains, hommes, femmes, enfants, présentant du noir au blanc toutes les nuances, vêtus, selon leur rang, dans les costumes divers de leur race respective, égaux dans cet instant, par la même pensée qui les préoccupait, formaient un tout harmonique, n’avaient qu’une expression. Les dômes, les clochers avaient perdu leur nature inerte ; la vie s’y était incorporée ; ils étaient animés par la même ame. Ces figures immobiles dans la même attitude, toutes le corps penché, la bouche entr’ouverte, les yeux fixés dans la même direction, vers les deux camps, couvraient entièrement les dômes, les clochers et leur donnaient un aspect sublime !