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Mille bruits divers se répandirent ; les alarmistes prétendaient que nous avions perdu beaucoup de monde et que les ennemis allaient entrer en ville. Notre maison ne désemplissait pas de gens qui venaient dans l’espoir d’avoir des nouvelles ; l’un pleurait pour son fils, celle-là pour son mari ou son frère : c’était une désolation générale. Vers neuf heures, un homme, arrivant du champ de bataille, passa dans la rue Santo-Domingo ; nous l’arrêtâmes, et il nous dit que tout était perdu ; que le général l’envoyait auprès de sa femme lui dire de se retirer de suite au couvent de Santa-Rosa. Il ajouta qu’il y avait un désordre affreux dans nos troupes ; que l’artillerie du colonel Morant avait tiré sur nos dragons, les prenant pour l’ennemi, et en avait tué un grand nombre. Cette nouvelle se propagea dans la ville ; l’effroi s’empara de tout le monde ; ceux qui avaient cru pouvoir rester dans leurs maisons, épouvantés de leur propre courage, s’empressèrent de les quitter ; on les voyait courir comme des fous, chargés de leurs plats d’argent, de leurs vases de nuit de même métal[1] ; celle-ci tenait une petite cas-

  1. Au Pérou, tous les vases de nuit sont en argent.