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en liberté ! Comme elle admirait leurs robes de toutes couleurs, et leurs beaux cheveux ornés de fleurs et de perles ! comme elle aimait leur élégante chaussure, leur grand châle de soie et leur légère écharpe de gaze ! A cette vue, la malheureuse se sentait étouffer sous le poids de ses lourds vêtements ; cette chemise, ces bas, cette longue et large robe, tous en grossier tissu de laine, lui étaient en horreur ! la dureté de sa chaussure blessait ses pieds, et son long voile noir de laine aussi, que l’ordre exigeait avec rigueur de tenir toujours baissé, était pour elle la planche qui a renfermé vivant le léthargique dans le cercueil. L’infortunée Dominga repoussait ce voile affreux avec un mouvement convulsif ; de sourds gémissements sortaient de sa poitrine ; elle essayait de passer ses bras entre les barreaux qui ferment les ouvertures du clocher. La pauvre recluse ne désirait qu’un peu de grand air que Dieu a donné à toutes ses créatures, qu’un petit espace dans le vallon où elle pût mouvoir ses membres engourdis : elle ne demandait qu’à chanter les airs de ses montagnes, qu’à danser avec ses sœurs, qu’à mettre comme elles de petits souliers roses, une légère écharpe blanche et quelques fleurs des champs