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qu’il disparaît derrière les trois volcans, dont il colore de pourpre les neiges éternelles, mes yeux se portaient involontairement sur le couvent de Santa-Rosa. Mon imagination me représentait ma pauvre cousine Dominga revêtue de l’ample et lourd habit des religieuses de l’ordre des carmélites : je voyais son long voile noir, ses souliers en cuir, à boucles de cuivre ; sa discipline, en cuir noir, pendant jusqu’à terre ; son énorme rosaire que la malheureuse fille, par instants, pressait avec ferveur en demandant à Dieu qu’il l’aidât dans l’exécution de son projet, et qu’ensuite elle broyait entre ses mains crispées par la colère et le désespoir. Elle m’apparaissait dans le haut du clocher de la belle église de Santa-Rosa. C’était dans ce clocher qu’allait tous les soirs la jeune religieuse, sous le prétexte de voir s’il ne manquait rien aux cloches et à l’horloge dont le soin était commis à sa surveillance. Du haut de cette tour, la jeune fille pouvait contempler à loisir l’étroit, mais joli petit vallon où les heureux jours de son enfance s’étaient écoulés si joyeusement : elle voyait la maison de sa mère, ses sœurs et ses frères courir et folâtrer dans le jardin.… Oh ! qu’elles lui paraissaient heureuses ses sœurs de pouvoir ainsi courir et jouer